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c'est notre tour!
30 avril 2010

6088m

toutes les photos sont ici

 

GENIAL!!! LES RECITS DES COPAINS, EMOUVANTS ET DROLES, ET AUSSI DES VIDEOS!!!!!!!!!

Bertrand, un touriste à 6000, et Seb, 6.0.8.0



Préambule

 

 

 

Des mois de frustration, à me demander pourquoi je ne suis pas monté sur le Cotopaxi ou même le Chimborazo en Equateur, sans parler des nombreux 6000 de la Cordillère Royale bolivienne ou de ceux de la Cordllère Blanche péruvienne. On ne peut pas toujours tout faire, mais frôler ces sommets sans y accéder... je ne peux pas laisser passer ça avant de retourner sur le vieux continent. Surtout que ce voyage de longue durée permet de bonnes phases d'acclimatation.

103_Huayna_PotosiAlors c'est décidé, en retournant à La Paz, je me lance à l'assaut du Huayna Potosi. Pourquoi? Parce qu'il est beau, parce qu'il est facile d'accès depuis La Paz (et ne nécessite donc pas de laisser Mariane et les enfants seuls trop longtemps), parce qu'il est supposé facile (à part la gestion de l'altitude), mais évidemment aussi parce qu'il dépasse (pas trop!) la barre symbolique des 6000m!

Toutes ces raisons qui m'ont convaincu, elles convainquent aussi de nombreux andinistes amateurs voire très amateurs, bref, de nombreux touristes! Environ 3000 se lancent dans son escalade par an, ce qui en fait le 6000 le plus commercial de Bolivie, et certainement du monde. Tant pis, après tout, moi aussi je ne suis qu'un touriste!

Quand on arrive à La Paz, au QG des voyageurs en véhicules en tout genre qu'est le camping/parking de l'hotel Oberland, une famille de français est déjà installée. Le lendemain, deux autres débarqueront. Je parle donc de mon projet en espérant trouver des compagnons de cordée. Ce n'est pas du tout nécessaire, mais ça serait tellement mieux de partager cette aventure avec des gens sympas!

Avec Mariane et les enfants, on fouille des agences de tourisme, de trek et de montagne de La Paz. Des dizaines proposent le Huayna Potosi « demain »! Pas de doute, c'est le sommet à la mode! Mais je n'aime pas bien rencontrer des purs vendeurs prêts à tout pour faire signer le client. Dans la Calle Linares, un petit bureau au fond d'une cour paraît bien agité... Une demi-douzaine de gars en tenue de montagne discutent... Altitud6000 est une petite agence ouverte par 2 guides, Osvaldo et Juan-Jo deux mois plus tôt. Et l'avantage, c'est qu'on discute immédiatement avec les guides... enfin des interlocuteurs qui savent de quoi ils parlent! Ils étaient au sommet 3 jours plus tôt d'ailleurs! Je suis convaincu... il me reste à raconter mon entretien à mes compagnons de cordée potentiels...

Bertrand a déjà fait un peu d'escalade. Il a même grimpé à 5500m sur le Licancabur. Un peu de sport de temps en temps, pas trop sûr de son coup, mais très tenté! Seb quant à lui n'a aucune expérience de montagne, jamais fait un rappel, ni même touché une corde ou un crampon. Il se dit tout sauf sportif... et sujet au vertige! Mais pourquoi pas après tout si c'est aussi « accessible qu'on le dit »!

Quelques bières plus tard, nous voilà tous partant! Si c'est pas magique la Paceña!

Et le lendemain, on rencontre mes nouveaux copains guides tous les 3 pour un briefing suivi d'un essayage de chaussures qui vaut son pesant de cacahuètes: « ouah, mais tant qu'à porter des bottes pareilles, on n'a qu'à aller au ski! ». « vous n'auriez pas un miroir pour voir si elles me vont au teint! »... Ah, on est bien barré!

 

 

 

Acte I

L'excitation est à son comble. On part demain. Et on a même organisé une montée en famille!

101_tous_en_busUn bus rien que pour nous (les 4 Réjou, les 5 Guibert et nous 4) vient nous prendre au camping le samedi matin à 8h30. Pas mal d'embouteillages dans La Paz, et on traine jusqu'au bureau des guides, où on doit embarquer tout le matos de l'expédition, et où on rencontre James, Canadien de Vancouver qui va se joindre à notre équipe pour le sommet. Pendant ce temps, les enfants jouent et profitent du luxe de ce grand bus quasi-vide, ça change des micros bondés dont on a pris l'habitude.

L'objectif du jour, c'est de monter au pied de la montagne, au refuge situé à 4800m. Pour tout le monde d'aller se promener au pied du glacier, pour les futurs grimpeurs de commencer la préparation par un entrainement à la marche et à l'escalade sur glace dans les séracs.

107_Mariane__Emile__Juan_JoAu refuge (Campo Base), ils n'ont jamais vu ça: 7 gamins entre 1an et demi et 7 ans, chaussures de marche, bonnets et lunettes de soleil débarquent, prêts à en découdre avec la montagne! Les gardiens et les guides en parleront pendant plusieurs jours de 4800m jusqu'à 6000!

Après une heure de marche tranquille, mais malheureusement sous voire dans les nuages, nous voilà tous au pied de la langue de glace qui descend depuis le Campamento Alto. Les enfants ont déjà attrapé les piolets pour s'attaquer à la surface dure et cassante. Ils s'en donnent à cœur joie, et ne réalisent pas que leur terrain de jeu dépasse en altitude le sommet du Mont-Blanc. Et Juan-Jo (le guide) adore! Une première pour lui et un régal sincère que de voir tous ces petits jouer sur son terrain de jeu. On prend tous des dizaines de photos avant de décider d'arrêter et de laisser la place aux adultes. 111_Ca_envoiePetits et grands sont ravis de cette expérience, même si Emile est triste que ça s'arrête déjà, et même si Claire doit redescendre vite Ismaël (le cadet) qui est en train de changer de couleur (altitude, froid?...). Ciao les petits, et souhaitez-nous bonne chance, ça ne fait que commencer pour nous!

Les vacances! Seb, Bertrand et moi nous retrouvons seuls avec notre guide pour aller jouer dans les crevasses et séracs de ce glacier. On ne quitte plus notre sourire, tellement on s'amuse comme les gamins, sauf peut-être Seb qui se raidit légèrement quand Juan-Jo le pousse dans son premier rappel... allez hop, à toi mon gars! On se suit encordé dans le labyrinthe de glace, puis on s'installe pour grimper une petite face verticale en piolet marteau... ça tire dans les bras! Tant mieux, c'est les jambes qu'il faut qu'on garde en forme.

115_c_est_parti_Au refuge, on ne fait pas long feu. Après un très bon repas, nous voilà tous couchés. Tout aurait été parfait si mon voisin (celui dont le petit nom commence par un S et finit par un B) ne dormait pas aussi bien... ni surtout aussi bruyamment! Ambiance refuge donc, pas grave puisque l'envie de grimper permet de rester en forme.

Le lendemain, avant d'attaquer la montée au campamento alto, on pratique un peu de techniques de sauvetage: comment sortir d'une crevasse si notre compagnon de cordée ne peut pas nous remonter: ben c'est pas simple... de toutes les techniques, la plus astucieuse, celle sur laquelle on se concentre, exige un passage de corde entre 2 mousquetons qu'on doit tous refaire 3 fois avant qu'il ne fonctionne, y compris le guide! Et là on est bien au chaud au soleil, et au sec sur les rochers... bon, on comptera donc sur le guide pour nous hisser en cas de chute! Plus sérieusement, on a maintenant tous quelques bases toujours bonnes à connaître.

 

 

 

Acte II

121_Attaque_de_la_mont_e_au_campamento_altoLes sacs sont prêts. Et lourds. Surtout à cause des bottes accrochées dessus. Mais la montée au campamento alto, bien que raide, n'est pas longue. 400 mètres de dénivelé qu'on avale tous tranquillement dans les pas très lents de nos guides. L'occasion pour Osvaldo, le chef de l'expédition, de commencer à tourner une vidéo dont il veut se servir pour l'agence. Petites pauses et interviews à 5000m, toujours avec la banane!

Arrivés au refuge à 5130m, on mange. Je n'en ai pas encore parlé, mais on a l'impression de ne faire que ça. Manger. Et puis boire aussi. Les guides insistent à juste titre pour qu'on s'hydrate, mais on a en fait toujours soif. Du coup qu'est-ce qu'on pisse!

122_mont_e_vers_le_campamento_altoUne petite marche sur glacier pour s'acclimater, sur les deux cents premiers mètres de la longue marche qui nous attend demain, et on redescend pour... manger!

Le cuistot, Constancio, monté avec nous, nous a préparé des truites. Si ça c'est pas inattendu, des truites à plus de 5000m! Dommage pour Bertrand qui n'aime pas le poisson... et pour ses intestins sensibles à la rupture probable de la chaine du froid... L'occasion de nous raconter la raison de son rire: le seau percé qui fait office de toilettes contient encore l'inscription « bien agitar antes de usar! » (bien agiter avant usage)!

Pour changer... on mange! Diner à 17h, il faut penser à se coucher tôt. On se lève demain matin à 1h pour un départ à 2. Ca va pas être facile de dormir...

A 18h30 on est tous couchés. On a insisté pour qu'Osvaldo partage notre chambre: à 18h32 il ronfle comme un sonneur... et ce jusqu'à minuit, heure à laquelle le refuge s'agite, les premières cordées partent bientôt. 5 ou 6 cordées au moins se préparent pendant qu'on profite de nos dernières minutes de repos.

 

 

 

Acte III

Le réveil n'est pas si dur puisqu'on n'a pas dormi! Deuxième 130_on_cramponne___2h_du_matnuit quasi-blanche de suite; ça c'est de la préparation!

On mange on boit, et on s'habille. Ca n'a l'air de rien, mais on est déjà tous essoufflés à enfiler toutes nos couches, au beau milieu de la nuit, à plus de 5000m. Au moins il ne fait pas froid dehors (environ -5°C, et surtout pas de vent). Les lumières des premières cordées paraissent déjà bien hautes dans la montagne noire.

Au pied du glacier, il ne nous reste plus qu'à enfiler les crampons. Et à marcher. Bertrand est encordé entre Osvaldo et notre Canadien de James, je ferme la marche encordé derrière Juan-Jo et Seb grâce à ma petite expérience de montagne. Dans le noir, un pas devant l'autre. Plus besoin de penser, il ne reste qu'à marcher. 132_crevasse_de_nuitD'un pas très lent pour éviter de s'essouffler. Piolet dans une main, corde dans l'autre, à chaque virage on change de main...

L'attaque est un peu raide, mais après deux heures qu'on n'a pas vu passer, on se retrouve sur le plateau du Campamento Argentino, à 5600m. Vue sur La Paz tout en bas. Pause, on mange, on boit, on pisse. Ca devient un rituel! On ne s'arrête pas trop longtemps à chaque fois pour ne pas se refroidir: Bertrand, range moi cet appareil photo! On commence à geler ici!

Et la longue montée continue. On double plusieurs cordées. Un ou deux passages de crevasses nous maintiennent en alerte. « Corde tendue » lancent régulièrement les guides.

Entre 5700 et 5900m, ça ne monte plus! Il est 5h du mat', et on ne fait que marcher sur un faux plat qui paraît interminable. Du coup l'esprit gamberge. La fatigue naissante et le manque d'oxygène nous font parfois marcher comme des poivrots! Mais pourquoi ce pied ne veut pas se poser devant?... il fait rien qu'à se poser à côté de la trace! Il faut redoubler de concentration pour arriver à marcher droit: c'est surprenant!

 

 

 

Acte IV

136_5900m__lever_du_jour5900m. Il nous reste moins de 200m. Mais bon dieu qu'ils semblent raides! Et manque de bol, ils le sont autant qu'ils le paraissent!

En fait, cette pente raide et technique pour les débutants que nous sommes fait s'envoler la fatigue. On peut maintenant éteindre les lampes frontales, la lumière du soleil, qui nous éclaire entre deux couches de nuages suffit. Les couleurs que prennent les reliefs et les nuages sont exceptionnelles. Et les efforts nécessaires à l'escalade finale forcent la concentration et nous font oublier la fatigue. Il faut juste se rappeler de monter lentement, sur cette paroi abrupte, entre neige et roche.

143_derniers_m_tres_sur_l_ar_te_sommitale138_raide___6000mSeb est au taquet. Et ce n'est pas l'arrête sommitale qui est pour le rassurer. Les deux cent mètres raides qui sont derrière nous ne sont rien à côté des 1500m à plus de 75° qui tombent de l'autre côté!

Pas le moment de laisser ses pieds basculer à côté de la trace, qui fait par moment moins de 50cm de large!

Mais le sommet est là, juste sous nos yeux. On ne peut plus échouer maintenant. Oublié le mal de crâne du dernier plateau, oubliées la fatigue musculaire, la légère difficulté de respirer: on est au bout! Mon âme sensible se laisse aller à pousser des larmes hors de mes yeux... je dois me retenir pour ne pas pleurer de joie comme un bébé!

 

 

 

Acte V

146_Victoire___6088m!!! Le sommet est très exigu et Seb, Juan-Jo et moi formons la troisième cordée là-haut. Juan-Jo nous fait dépasser les deux premières: « euh, t'es vraiment sûr? » dit Seb!

Sensation fabuleuse: raide devant, La Paz, L'Illimani... El Alto à plus de 4000m semble si bas! A pic derrière, des formations rocheuses, des lacs, la Cordillère royale, l'altiplano: il faut résister pour ne pas monter sur l'instable corniche...

Seb est assis et se cramponne à ce qu'il peut. Cinq mètre derrière nous, Bertrand est à moitié allongé, crevé: Osvaldo n'a pas eu de meilleure idée que de l'interviewer là: Bertrand nous dit qu'il ne sait pas ce qu'il dit! De son lourd Nikon D300 qu'il a monté jusque là, il est incapable de se servir!

Quand Osvaldo propose de ne rester que 5 minutes de plus, on offre de redescendre tout de suite. Il vaut mieux ne pas attendre que l'inconfort du sommet et la descente aérienne qui vient ne finissent de terrifier nos compagnons de cordée!

 

 

 

Acte VI

La descente. Soulagement arrivés sur le plateau à 5900m. 149_descente_sur_l_ar_teSur l'arête, il a fallu croiser une cordée: pas simple! On sait maintenant qu'il ne nous reste plus qu'à marcher tranquillement, et à profiter de l'exceptionnel paysage qui s'offre à nous: des glaciers, des séracs et des crevasses, des sommets rocheux au loin, l'altiplano, La Paz dont on voit désormais les toits et non les lumières... Je profite de la descente où je suis en tête pour mitrailler avec le D300 de Bertrand et son grand angle de 10mm. Le refuge du campamento alto approche. Quelques crevasses à négocier avant de nous arrêter (pour une soupe!) au refuge, et d'enfin quitter nos coques plastiques et crampons. Les baskets nous porteront dans les pierriers descendant jusqu'au camp de base, au bout de nos jambes dont les quadriceps s'échauffent.

 

 

 

Post-face

153_commence___faire_chaudIncroyable! J'écris au dessus de Quime, dans le confort des Yungas, une semaine exactement après avoir été au sommet du Huayna Potosi, et je n'en reviens toujours pas. J'ai déjà oublié toute la fatigue éprouvée lors de la montée et aujourd'hui, ça me semble presque avoir été facile. Dommage que mes neurones peu oxygénés n'aient pas vérifié que Bertrand avait basculé son D300 à 6400iso... lui qui me disait la veille qu'il laissait la sensibilité de son appareil photo toujours en automatique... Tant pis pour les belles photos.

En tout cas, le plaisir a été décuplé et le souvenir encore meilleur de l'avoir fait avec deux copains, Bertrand et Seb. Bertrand qui n'a arrêté de dire des conneries qu'au dessus de 5900m (en tout cas volontairement!) et Seb qui a été époustouflant en dominant sa fatigue, sa peur et son vertige. Une équipe du tonnerre soutenue par des guides hors-pair!

 

 

 

 

 

 

Déjà je ne rêve plus qu'au prochain sommet, et aux ascensions avec les enfants... J'avais oublié que la haute montagne est une drogue dont on devient trop facilement dépendant...

 

 

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Commentaires
A
J´avais pris bcp de retard ds ma lecture...mais la je dois dire...WOUAH!!! Un récit a couper le souffle... Je vois que vous profitez tjrs autant de ce super séjour!! Que de belles photos! Pensons bien a vous!
L
Maintenant que tu fréquentes les sommets à 6000m, tu ne seras sûrement pas intéressé pour m'accompagner au Mt Blanc en Septembre... A moins qu'une descente en vol ne t'aide à te décider... Bises et à très bientôt!
P
Ton récit est extra. Cela fait tellement envie ! J'aurais bien voulu partager ce moment avec vous. <br /> <br /> Je vais finir par ne plus te lire tellement tu me tentes :)
M
Ben dis donc ! J'en ai le souffle court et les jambes en coton à 4540 m sous la tête du Mont Blanc.....
S
Sur une table en formica YPF Argentine nous relisons ce post avec claire, ces beaux moments incroyables merci a toi et a ton energique force de persuasion pour se souvenir inoubliable.
c'est notre tour!
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