Argentina, le long de la cordillère...
Premier mars 2010
Cette fois ça
y'est, ils sont morts les amortos!
En repassant le
paso Maluil Malal, on a brûlé l'avant gauche. Et notre prochain espoir réel de
remplacement est à plus de 1000km, à Mendoza. Le plus dommage, c'est que d'ici
là, bien des pistes s'insinuant dans la Cordillère nous tentaient. Il va
falloir nous en passer, et nous contenter de la Ruta 40 si nous voulons avoir
une chance de parvenir jusque là-haut...
Du coup, malgré
le mail récent des Mapamayo qui nous annoncent être dans le coin, on ne croit
plus trop les croiser: les Grenoblois (de Theys) descendent vers le sud depuis
le Canada, un à vélo pendant que l'autre conduit le camion avec les enfants
(pas forcément sur les axes principaux). On leur envoie quand même
régulièrement notre position. Sans réponse. Après Chos Mallal, on pense les
avoir loupés quand... sur le bord de la 40, un camion jaune et un autre blanc
ont sorti les tables de pique-nique! Marike et Paul sont en train de boire le
café avec leurs amis allemands Heike et Reinhart rencontrés au Guatemala. Les
mêmes qu'on avait croisés sur le Salar d'Uyuni, à Ushuaia et sur la Carretera
Austral! Et je vous le donne en mille, ils étaient justement en train de se
demander ce qu'on devenait!
Rencontre et
retrouvailles étonnantes au bord de cette autre portion désertique de Ruta 40!
Paul qui faisait l'étape à vélo s'arrêtera là pour aujourd'hui après seulement
45km! Et les deux véhicules immatriculés 38 s'en vont trouver un bivouac en
bord de rivière (et de route), pour se raconter leurs aventures!
Le camion de
Paul, Marike, Mako et Yoshka avait été monté par Isère Evasion comme le nôtre.
C'est comme ça que nous sommes entrés en contact. On échangeait régulièrement
depuis notre départ 6 mois après le leur. Et on les avait doublés pendant
qu'ils s'étaient arrêtés 6 mois à la Martinique pour travailler un peu. Depuis
leur départ, ils ont parcouru 18000km à vélo! Les enfants se trouvent évidement
très vite. Mako (6 ans) aime beaucoup jouer avec Zoé (très fière!). Yoshka et
Timo trouvent chacun leur place dans l'équipe. Les parents se racontent leurs
aventures, et on admire leur voyage sur la forme duquel on pose 1000 questions.
Leur description de certaines de leurs étapes cyclistes nous font rêver.
On leur avait
écourté l'étape de la veille, ce matin, nos discussions s'éternisent et le
départ se décale...
Finalement, Nico
décide de pédaler avec eux. Sentir l'effet que ça fait de se retrouver seul
(enfin, à 2!) sur un vélo, en plein désert, sur une portion des 4000km de cette
fameuse route 40.
- Avec Paul, je pars en début d'après-midi sous un soleil de plomb pour une longue étape sur l'asphalte brûlant de la Ruta 40 très exposée au vent. Bon, ce n'est pas la peine d'en faire trop, on décide vue l'heure (et ma forme probable) de rouler une quarantaine de km, vent dans le dos... et le ciel est à moitié voilé! On roule et on papote, on se prend mutuellement en photo, je me fais larguer proprement dans les côtes et apprends un peu de ce qu'est cette solitude (très brève dans mon cas) sur la route quasi libre de circulation. Mais quel pied! Sentir l'air sur mon visage, n'entendre que le bruit du vent et celui de mon souffle, avoir le temps d'observer la végétation, les rares animaux, les lignes jaunes! Je prends alors vraiment conscience à 25km/h de l'espace qui m'entoure comme l'intérieur d'un camion roulant à 90 ne peut le permettre. Après un petit aller-retour supplémentaire pour atteindre les 40km sur la Ruta 40, les deux camions nous rejoignent à notre point de rendez-vous. 1h30 seulement mais quel moment fort que de partager un tout petit peu de cette fabuleuse traversée qu'effectuent Paul et Marike. Merci de me l'avoir permis! Ca donne des idées!
5km de plus, en
côte sur une mauvaise piste, mais avec Timo cette fois sur le petit vélo de Mako
(parfois aidé par Paul), et on se retrouve pour un nouveau bivouac désertique,
à papoter longuement sous les étoiles, avec pour Nico une vraie petite fatigue
(à peine méritée!). On se sépare à regrets, eux continuent en pédalant vers le
sud pendant qu'on remonte vers le nord...
Il nous faut
quand même rejoindre Mendoza. La route (et ses portions de piste qui font mal
aux suspensions-tiendra-tiendra pas?!) est une fois de plus magnifique: entre
déserts et immenses champs de lave, entre rivières et volcans pelés. On en
profite un peu, conscients qu'on risque de passer plusieurs jours voire
semaines dans la grande ville en attendant nos amortisseurs.
Camping de
Malargüe: on rencontre Edgar, un allemand retraité qui roule dans un vieux
combi VW acheté en argentine et remis à neuf chez un certain Alberto à Mendoza.
Il nous propose de passer le voir pour notre problème d'amortisseurs, ce
dernier n'étant pas expert en Sprinter mais connaissant surement des ateliers
recommandables.
Encore une nuit
sur la route, au bord du lac artificiel El Nihuil, avant de plonger dans le
joli canyon coloré du Rio Atuel. On s'extasie devant le spectacle que nous
offre un orage sec dont l'activité électrique ferait pâlir d'envie les 4
centrales installées entre la retenue et la ville de San Rafael.
Arrivés Mendoza,
on fait la connaissance d'Alberto après être passés chez un vendeur de pièces
détachées qui pendant ce temps nous cherche une solution (impossible de trouver
une référence à nos amortisseurs, et on sait qu'ils n'existent pas en
Amérique... que commander?). Alberto nous reçoit très gentiment et nous propose
immédiatement de nous faire faire le tour de la ville des solutions
potentielles (réparateurs d'amortisseurs, Mercedes...). On finit chez notre
vendeur de pièces du matin, et pied-à-coulisse en main, on prend toutes les
cotes dont on a besoin. Et enfin, notre vendeur de pièces débrouillard nous
trouve la solution miracle: des amortos d'origine, renforcés pour Sprinter
« poids lourd », dont les dimensions sont exactement identiques aux
nôtres!
Pendant ce temps,
Mariane, Timo et Zoé profitent un peu de la piscine du camping, et parcourent
Mendoza, ville très agréable grâce à l'ombre de ses sycomores, visitent
l'aquarium et le serpentarium pour le plus grand plaisir des petits. En deux
jours, et avec l'aide d'Alberto (Beto) pour le montage, nous voilà prêts à
repartir (Beto répare même la fixation de notre lit qui donnait de sérieux
signes de fatigue)! Mais pas sans avoir partagé un succulent asado d'adieu tous
les 4 chez nos nouveaux amis Beto et Kuki!
12 mars 2010
Après que Nico se
soit payé un fort joli vol, grimpant jusqu'à 2400m au dessus de Mendoza et la
plaine infinie qui débute là, nous testons avec joie le confort inégalable de
nos nouveaux amortos sur la petite route de montagne de Villavicencio. Contents
de quitter la ville, de retrouver la nature, sur cette piste qui s'envole en
lacets impressionnants dans les déserts polychromes de la pré-cordillère.
Quelle vue! On bivouaque même en vue de la face nord du plus haut sommet du
monde hors-Himalaya: l'Aconcagua.
Un bref arrêt au
Puente del Inca (pont naturel formé par des dépôts minéraux de sources
thermales auxquelles on n'a plus accès; c'était mieux il y a 8 ans!), et c'est
au pied de ce sommet prestigieux qu'on se retrouve le lendemain, pour une
petite rando contemplative avec les enfants. Ludique aussi quand on trouve une
jolie prairie herbeuse en bordure de la Laguna Horcones! Malheureusement, les
guardaparques ne nous laissent pas nous aventurer très loin avec les enfants
dans la vallée « interdite aux moins de 14 ans pour raison de
sécurité ». Dommage, on s'était vu randonner avec la tente en s'approchant
de la face impressionnante qui nous surplombe de près 4000m! On dort finalement
sur le parking. Ce qui nous permet quand même de profiter de la belle lumière
du matin, de faire quelques photos. Et à Mariane de grimper encore plus haut,
plus près, pour s'imprégner davantage de l'ambiance de cette vallée aux
contours multicolores, face au géant de roc et de glace de presque 7000m.
On rencontre ce
matin aussi Jean, qui pour la première fois depuis plusieurs années, a
tristement laissé son vélo pour parcourir l'Argentine en voiture. Ses jambes de
74 printemps ne lui permettent plus de porter les 50kg de bagage sur son vélo,
qui a pourtant dans les 5 dernières années fait entre autre le tour du monde en
18 mois, et l'année dernière fait le tour du Venezuela avant de remonter toute
l'Amérique Centrale, ou encore traversé l'Amérique du Nord de Montréal à Los
Angeles: chapeau bas, Monsieur!
On continue notre
bonhomme de chemin, et on prend plaisir à rouler sur les pistes en plus ou
moins bon état (ça nous passera!). On s'arrête entre 2 arbres plantés au beau
milieu de rien: pas un seul depuis 50km, pas un non plus sur les 50 suivants!
On fait fuir un troupeau de nandous à notre arrivée. On n'y ferait presque plus
attention!
Prochain arrêt:
Parque Nacional El Leoncito. On a du mal à comprendre pourquoi cet endroit
désertique a été déclaré parc national (en 2002). L'explication vient en partie
du fait que la Sierra abrite 2 observatoires astronomiques argentins, dont la
protection contre les pollutions lumineuses est indispensable. En montant vers
ces dômes, on découvre, cachée entre des reliefs purement minéraux, une vallée verdoyante
où l'eau coule presque à flot! Quel contraste!
Après un peu de
fraicheur prise à la cascade inattendue dans ce décor, on visite Casleo, le
plus grand téléscope optique argentin (avec son miroir de 2,15m pour un
téléscope de 40 tonnes). Les enfants aiment surtout quand, pour une caméra
documentaire télé, l'opérateur fait tourner la coupole et oriente le téléscope.
Le lendemain
matin, Mariane profite d'une séance
d'école pour voler (courir!) sur le chemin de la rando du Cerro Leoncito, et
profiter avec ses labradors d'accompagnateurs de la vue sur la vallée, le lac
asséché et les plus de 6500m des sommets de la cordillère.
Nos étapes sont
vraiment courtes. Commencerait-on à prendre notre temps?
Dans la piscine
du camping municipal de Barreal (seulement 30km plus loin donc!), Timo et Zoé
font la tête après que soit passé juste devant nous... le camping-car de Robin
et Maeva.. On a du mal à les consoler, mais on ne peut pas vraiment leur courir
après, les possibilités de route sont trop nombreuses. Et puis ils se promènent
avec les grands-parents venus leur rendre visite... un peu de tranquillité ne
peut pas leur faire de mal!
Mais l'immense
Argentine sait être petite! Et on croise de nouveau Harry (leur camping-car) le
lendemain en quittant la ville. Cette fois les enfants se ruent vers ses
occupants (les grands suivent de près!), et on passe la journée (et la belle
soirée) à se raconter nos dernières aventures en compagnie de Pierre et Annie,
pendant que les enfants jouent dans l'eau!
Passage éclair à
San Juan. L'occasion de visiter le musée du vin avec un guide qui nous entraine
un peu au pas de course. Au moins, on déguste!
Et on continue
notre longue remontée vers le nord par les provinces de San Juan, La Rioja et
Catamarca. La route 40 alterne entre les lignes droites interminables et les
passages de cols et de vallées aux roches rouges et aux rives verdoyantes. On
en profite pour faire trempette quand on peut, et on cherche l'ombre pour les
pique-niques. On repasse d'ailleurs sur quelques dizaines de km sur nos traces
du mois de novembre 2009... Etrange!
On arrive enfin à
Famatina, où Julien et Asia nous ont justement conseillé de visiter le
décollage de parapente. La vue y est très belle sur l'immense vallée désertique
traversée par la Ruta 40, qui remonte depuis Chilecito. Le vent est fort par
contre en ce milieu d'après-midi. Marcelo, le pilote local, informé de notre
arrivée par Patricia de l'office du tourisme, nous rejoint pour nous parler de
son site, de son village, de son pays. Comme le vent reste fort jusqu'à la
nuit, il a le temps de nous raconter entre autres comment ces vallées se
désertifient à vue d'œil d'année en année, comment l'eau oublie de tomber du
ciel, comment le sable gagne sur la végétation. Le lendemain matin, couvert, Nico
volera quand même un moment, en décollant, en jouant et en atterrissant devant
Bill, garé sur le déco pour le bivouac!
Direction
Fiambala. Prochaine étape renommée pour ses eaux thermales. Un complexe de 14
piscines s'étageant le long d'une étroite vallée, entre 52 et 25°C. Le bonheur
des petits et des grands. Les enfants ne quittent pas l'eau pendant tout
l'après-midi. Ils rêvent déjà d'une maison avec ses sources chaudes dans le
jardin!
22 mars 2010
Un petit tour
dans les contrastes étonnants de ses vignes au milieu des dunes à Medanitos, et
il ne nous reste plus qu'à attaquer les plus de 3000m de dénivelé qui nous
séparent du Paso de San Francisco à 4726m. Quelques étapes au bord de l'eau
sont bienvenues sur le parcours somptueux pour s'acclimater (dont une nuit). Un
arrêt après la douane (à 20km du col) pour se baigner dans les eaux chaudes au
pied des Cerro San Francisco et Incahuasi (plus de 6600m quand même!), et nous
quittons une fois de plus l'Argentine magnifique, en profitant de la lumière
extraordinaire et du silence profond de la puna, surement pour la dernière fois
de ce voyage du côté de la Cordillère.